top of page

9. Nathan




« Mon grand, on se retrouve devant chez Mollat à 18h, je récupère ton frère avant, bisous ».

Je range mon téléphone dans la poche arrière de mon jean.

Pas très envie. Moi, je voulais plutôt retrouver les potes, mais bon…

17h,55 je suis là où il m’a dit de me rendre. Ils arrivent tout sourire. Mattéo lui tient la main et est tout content. Tout le temps en train de sauter mon cono de frérot, peut-être que j’étais comme ça à 10 ans aussi. Je me souviens pas. C’est loin…entre temps, j’ai grandi. Lui, il m’arrive à peine à la taille, je l’appelle le nain, il aime pas.

 

Tous les deux me serrent fort dans leurs bras, pas très à l’aise avec ça.

On échange, lui, veut tout savoir sur moi, ma journée, les copains, les copines. Moi, J’ai mal à la poitrine.

On passe la porte et va savoir pourquoi Matt se met à courir dans les allées comme un taré. Il me gonfle quand il fait ça. Mais lui, il dit rien, il le regarde et sourit.

Comme d’habitude, on va voir les mangas, il sait que j’aime bien. Il me dit :

« Vas-y, choisis en un !

-       Non, mais c’est bon

-       Mais si ! tu en es à quel épisode de Momo ?

-       C’est Jojo, en fait !

-       Pardon…allez Nathan, ça me fait plaisir. »

Alors, j’en ai pris un. Matt a pris une BD nulle, comme d’hab, sur les animaux de la mer. Comme d’hab.

J’ai mal aux pieds, à chaque fois, c’est la même, on reste trop longtemps dans cette librairie. Et quand je regarde les gens autour de moi, tout le monde a l’air de prendre son temps, lit le résumé au dos du livre, demande des conseils, prend un livre, le repose, en prend un autre. Blablabla.

On dirait qu’ils pourraient y passer la journée, voire la nuit. Ils traînent, comme si dehors n’existait plus.

Lui aussi, il est comme ça, il aime lire, beaucoup.

 

On passe à la caisse, il nous remet nos livres et range le sien dans son sac à dos, le fameux et unique « Basic Fit ».

C’est moi où tout le monde porte ce sac gris et orange sur le dos ? Je me suis amusé une fois à les compter quand je rentrais du lycée, alors je ne sais plus exactement combien, mais ça faisait beaucoup, genre 30. En plus, je sais que lui, il n’y va même pas, en tout cas pas depuis un moment…

Matt est serré contre lui et lui déverse un torrent de paroles sans intérêt. Et lui l’écoute comme si on lui apprenait la découverte d’une nouvelle planète, en souriant, avec des « Ah » et des « Non c’est pas vrai, ! Mais t’es trop fort » ! Pathétique, je vous dis…je vois bien qu’il aimerait faire pareil avec moi, mais ça marche plus, j’suis plus un gosse ! Et puis, j’ai cette boule dans la gorge. Ca fait un petit moment déjà. Je crois bien qu’elle demanderait bien qu’à sortir, mais je la retiens, ça serait pas bien. Pourtant, elle me fait mal, me brûle tellement que parfois, j’en ai les larmes aux yeux. Je sais bien qu’il faudrait que j’en parle à quelqu’un, mais j’ai peur. Peur de ce que ça va faire si je la débloque.

 

19h. Nos pas nous mènent finalement à la Place Gambetta, il fait beau, il est l’heure.

 

Maman est de l’autre côté de la route. Un passage piéton nous sépare. Pas un regard entre eux.

Après que Matt ait sauté une dernière fois dans ses bras, je le pousse pour qu’il traverse avant que ce con de bonhomme passe au rouge. Il sautille, plein d’insouciance et saute à nouveau, mais cette fois, dans les bras de maman.

Moi je suis encore de l’autre côté, près de lui. J’attends.

Je sais pas trop quoi faire ou dire alors je jette un « bon ben voilà ! » inutile, alors que j’ai très envie, moi aussi de le serrer dans mes bras.

Mais y a quelque chose qui me bloque et y a toujours cette foutu boule qui m’empêche presque de respirer..

Ses yeux sont tristes mais secs…alors que les miens meurent d’envie de se remplir. Je retiens en fixant le sol. Ne surtout pas lui jeter un regard.

De l’autre côté, maman s’impatiente, attend que je traverse, le visage figé, les bras croisés, les yeux noirs.

Les gens autour sont gais, tout ça parce que y a du soleil, j’les déteste, installés à leur terrasse de merde, partout…eux, ne savent même pas à quel point c’est dur.

 

Et puis, je découvre cette femme assise seule, qui mange son sandwich dont je reconnais l’emballage. Ca me rappelle, qu'o



n aimait se faire ça tous les quatre, parfois, le dimanche midi.

Elle doit avoir l’âge de maman, elle porte des lunettes aux verres bleu océan, je ne peux pas voir ses yeux, mais je sens bien qu’elle me fixe. Elle observe la scène et elle sait. Elle pose son sandwich un instant et me sourit comme si elle me disait «je comprends ».

Va savoir pourquoi, ça m’a fait exploser à l’intérieur.

La boule s’est mise à me brûler encore plus fort et les larmes à couler, incontrôlables.

Je me retourne vers lui, je le sens désemparé, si seul. Il esquisse un micro sourire malgré ses mâchoires crispées, me prend très rapidement dans ses bras, me repousse vers la route avec une petite tape dans le dos.

J’ai juste réussi à souffler : « Bonne soirée papa ! » avant que le bonhomme ne passe au vert.

 

 
 
 

Posts récents

Voir tout

Comments


Post: Blog2_Post

© 2022 par baleinesousgravillon. Créé avec Wix.com

bottom of page